A perfect familyPicture, picture, smile for the picture
Pose with your brother, won't you be a good sister?
Everyone thinks that we're perfect
Please don't let them look through the curtains.
Aussi loin qu'elle puisse s'en souvenir, Avalon n'avait jamais ressenti de grand amour pour ses parents. Et autant dire qu'ils le lui rendaient bien.
La petite fille avait, dès son plus jeune âge, eu la conscience aiguë de ne pas être l'enfant qu'ils attendaient, d'avoir, somme toute, été une déception depuis la minute où elle avait poussé son premier cri et qu'une sage femme soulagée avait annoncé d'une voix épuisée mais satisfaite, "c'est une fille, madame". Son père, Lucien Wellspring, ne lui avait jamais caché qu'il aurait préféré, et de loin, que son premier enfant soit un fils. C'était normal, après tout : il se devait que le premier représentant de la nouvelle génération des Wellspring, noble lignée s'il en était, soit un Vrai Homme Digne De Ce Nom. c'était la moindre des choses - les femmes, après tout, c'était tout juste bon à faire la cuisine et à pondre un bébé une fois tous les lustres. Quant à l'idée de chercher du soutient du côté de sa mère... peine perdue. Elle était de toute façon le genre de femme a toujours être de l'avis de son mari, sans exception.
Avalon grandit ainsi dans une solitude remplie de non dits, d'hypocrisie, et d'un manque flagrant d'affection parentale. Elle n'avait pas de vrais amis, pas de famille aimante... et devint une petite fille réservée et calme, doublée d'une grande lectrice.
Elle cessa de se sentir coupable de ne pas convenir aux attentes de sa famille le jour où elle comprit que, de toute façon, elle ne pourrait jamais se rattraper à leurs yeux. La réalité était qu'il ne souhaitaient pas qu'elle se montre brillante, talentueuse, ou digne de son nom. Non : elle devait se faire oublier, devenir l'une de ces femmes soumises et sans opinion - rentrer dans le rang, tout simplement. Le jour où Sollux, son daemon, fit sa première apparition, sous la forme d'une chouette effraie - dans la pure des traditions de la famille Wellspring, ni son père ni sa mère ne lui adressèrent le moindre mot de satisfaction. Ils ne prétendirent même pas en tirer de la fierté.
Elle le prit très mal.
Une révélation assez difficile à supporter pour la jeune fille, qui en retira une certaine amertume et une volonté de ne vivre que pour elle-même. Si ses géniteurs ne pouvaient l'apprécier à sa juste mesure, elle ferait en sorte que les autres le puissent. Une volonté qu'elle puisa dans les livres pleins de sagesse qu'elle prenait, déjà à l'époque, un véritable plaisir à parcourir. Elle ne deviendrait pas comme sa mère, à vivre au crochets de son mari sans jamais s'intéresser au monde, à considérer d'un mauvais oeil la curiosité de sa fille... Non ! Elle serait l'une de ces femmes que l'on admire pour leur intelligence, leur audace, leur confiance. Elle serait une Grande Femme.
Son mépris pour ses parents grandit au fil des ans, et elle n'en éprouvait pas la moindre honte. Elle restait un peu plus mitigée, il est vrai, sur le compte de son petit frère... Lui et son éternel statut de favori, de fils chéri, mis sur un piédestal sans aucune autre raison que son sexe. Elle savait, et Sollux ne se privait pas de le lui rappeler, qu'elle n'avait pas le droit de lui en vouloir. Il n'y pouvait rien, si leurs parents se comportaient de la sorte. C'était une simple question de chance. Pourtant, Avalon ne pouvait s’empêcher de ressentir une jalousie vaguement coupable, et une volonté presque maladive de mieux faire que lui, de le dépasser sur un plan intellectuel et moral, d'être la meilleure, peut-être pas aux yeux de Lucien Wellspring, mais au moins aux yeux du monde.
What lonely people seekNow I'm thinking maybe I was stoned,
I felt my feet lift off the ground
And my heart was screamin' at my bones
I need you closer
Et puis Lawrence fit son apparition dans l'histoire.
Lawrence, c'était un fils de la famille Lionheart - autrement dit, le concurrent, l'ennemi de la famille... et, à la base, un moyen pour Avalon de provoquer ses parents avec ses fréquentations indignes d'une Wellspring qui se respecte.
Ils s'étaient rencontrés à une soirée mondaine, et avaient passé de longues heures à discuter de choses et d'autres - les dernières publications savantes, la guerre qui se profilait à l'horizon, oubliant petit à petit le monde autour d'eux. Lawrence était passionnant. Plein de ressources. Il avait un talent incroyable pour la conversation, rebondissant avec aisance sur le moindre propos d'Avalon, tantôt sérieux et imposant, tantôt plein d'humour et de répartie. Encore mieux, au delà de ça, il écoutait vraiment la jeune femme, sans faire la moindre allusion à son sexe.
Avalon était jeune. A peine 20 ans. Et elle tomba éperdument amoureuse.
Tout c'était passé si vite, naturellement. comme s'ils étaient faits l'un pour l'autre. Et ils s'étaient aimés passionnément pendant près de 7 ans. Avalon se moquait des conséquences, des mises en garde de son daemon, du mécontentement de ses parents. Elle était jeune, vive, pleine d'ambition. Elle était heureuse et l'idée de déranger son père en se liant à un Lionheart la faisait jubiler.
Elle n'en avait pas pour autant oublié ses envies de briller en société. Elle s'était lancée dans des études d'Histoire et étudiait avec acharnement. Ses études la passionnaient : elle admirait ses professeurs avec ferveur, et faisait de son mieux pour se faire remarquer positivement. Elle ne tenait pas uniquement à réussir, mais bien à le faire brillamment. Elle voyait ses compagnons étudiants comme autant de concurrents : très individualiste, elle refusait d'accepter leur aide pour quoi que se soit. Elle préférait se reposer sur ses enseignants et ses livres. Elle gagna ainsi une réputation de personne froide et distante, ce qui ne la dérangeait pas tellement - elle avait Sollux et Lawrence, ça lui suffisait. Le reste semblait passer au second plan : la guerre, les drames, les bombes ravageant Londres : elle en souffrait, bien sûr, mais se sentait tout à fait capable d'y survivre intacte.
Ses études prirent fin en 1943. Avalon était à la fois un peu triste d'abandonner la vie étudiante et impatiente de passer à la suite. Elle se mit en quête d'un métier. Elle n'aimait pas l'idée de dépendre de l'argent de ses parent, et tenait à rester active. Son nom de famille aidant (tout de même, être une Wellspring gardait quelques avantages), elle se dégota assez facilement un stage rémunéré au British Museum, stage qui après quelques mois de bons et loyaux services se transforma en place fixe.
On my wayWell, maybe we won't be forgiven
For all the things we've said and done
But don't you ever give up, or give in
'Cause you know the show must go on
And don't believe them if they tell you
Where you're from's where you belong
Just get up off your knees and say,
"Fuck you, I'm on my way!"
The show must go on.
Mais toutes les bonnes choses ont une fin... et celle du joli conte de fée que vivait la jeune Avalon avec son amant fut cruelle et brutale.
Tout le monde à Londres en avait entendu parlé. Une histoire tellement retentissante, tellement incroyable. La chute des Lionheart.
Tout avait commencé par la mort d'Amaranthe et Lewis McDougall - un événement qui choqua bien sûr énormément Avalon, qui, comme beaucoup de londoniens, admirait beaucoup la famille aux ours. Néanmoins, ce triste épisode ne fut que le prélude à une série de tragédies qui toucha la jeune femme au plus près.
Car le coupable fut révélé au monde, et il s'agissait de Richard Lionheart, le père de Lawrence. Et si Avalon fut incapable d'accepter ce décret comme une réalité, ce ne fut pas le cas de l'opinion publique... Richard fut condamné à mort... puis le reste de sa famille, pour complicité de meurtre... Et si les deux enfant aînés parvinrent à fuir la justice, ce ne fut pas le cas de Lawrence et de sa mère.
Avalon fut profondément choquée par la mort de son amant. Mais les choses ne s'arrêtèrent pas là. Un esprit vengeur quasi hystérique s'était emparé des britanniques. De famille appréciée, les Lionheart étaient devenus les boucs émissaires d'une population entière. Pour ne pas améliorer les choses, la plupart d'entre eux se retrouvèrent touchés par le phénomène de plus en plus répandu de disparition des daemons... Le mauvais sort s'acharnait sur leur lignée... Aucun d'entre eux ne semblait pouvoir être épargné.
Et puis, pire encore, il y avait la réaction des Wellspring.
Bien sûr, Avalon savait que sa famille détestait profondément les Lionheart depuis des générations. Mais la façon dont ils se réjouissaient sans aucune honte de leur déchéance... La façon dont ils se précipitèrent sur les restes de l'héritage familial, le Ste Elizabeth College, pour s'y installer comme si ça leur avait toujours appartenu... c'était inacceptable. Intolérable. Impardonnable. Et en plus de la tristesse, Avalon éprouvait de la colère.
Jamais encore elle n'avait éprouvé une telle haine pour sa famille... Jusqu'à présent, c'était plus de l'amertume et une envie de provocation... A présent elle était furieuse, persuadée que c'étaient les Wellspring qui étaient à l'origine de ces vagues d'accusations. Et tout son être criait vengeance.
Elle et son daemon rompirent définitivement les ponts avec Lucien et Dolores Wellspring en 1947. Et non seulement elle ne voulait plus de contact avec eux, mais elle désirait aussi causer la chute de son père comme lui-même avait causé celle des Lionheart. Car elle refusait de se laisser aller au désespoir : elle se devait d'être forte et de rendre justice.
Sur un plan professionnel... Les années qui suivirent la fin de son stage furent une ascension fastidieuse mais ininterrompue vers le poste d'assistante au conservateur principal du musée. Elle eut également l'occasion de poursuivre sa formation historique, notamment sur un plan archéologique, que ce soit en suivant des cours du soir, des conférences, ou simplement en gagnant de l'expérience. Jamais elle ne songea à quitter le British Museum : elle aimait cet endroit, et étrangement, quand elle se consacrait à son job, elle parvenait à prendre de la distance avec le reste de sa vie. Et puis, il était difficile de trouver un lieu de travail plus enrichissant et stimulant que ce superbe musée !
A l'heure actuelle, Avalon mène sa vie d'une main ferme, entre son travail ses relations, et le reste. Les événements de ces quelques dernières années l'ont éprouvée, mais elle a l'impression de conserver un certain équilibre, et est toujours capable d'apprécier les plaisirs de la vie... Elle et Sollux sont inquiets et dérangés par la fermeture des frontières et le phénomène Excors, qui ne laisse rien présager de bon. Elle aimerait en savoir plus sur ce sujet, mais malheureusement, se montrer trop curieux à ce propos est mal vu et son daemon l'incite à la prudence.
Elle n'a plus été en couple depuis la mort de Lawrence. Elle ne cherche pas activement de partenaire, mais plusieurs années ont passé à présent, et si l'occasion se présentait, elle serait probablement prête à recommencer.