Enaelys ► Just me and you

J'ai vu le jour une journée d'hiver où il gelait dehors et où la neige avait installé son blanc manteau dans les rues de Londres. J'étais la première née de la famille McDermott, fille de Daniel McDermott un riche marchand de Londres et de sa femme, Kathelyn McDermott, une femme au foyer entretenue par l'argent que son mari ramenait à la maison. Mais je fus aussi la dernière. Ma mère mourut d'une hémorragie de la délivrance et me laissa orpheline, aux bons soins de mon père. Personne ne pensait que je survivrais et pourtant, malgré une facilité à tomber malade, je suis encore là trente ans plus tard. En grandissant, mon père ne chercha pas à se remarier, ma présence le comblait de tout l'amour dont il disait avoir besoin. En grandissant, j'ai commencé à aller dans les écoles privées de Londres, me faisant une réputation de petite fille modèle et d'élève assidue. Je ramenais toujours de bonnes notes à mon père qui était très fière de la jeune fille que j'allais devenir. Mais une erreur de jeunesse vint tout effriter. Je fis la rencontre d'un jeune homme de dix-sept ans, j'avais alors quinze ans. Il était un vendeur de journaux dans la rue et je lui achetais souvent le journal en allant chercher le pain pour mon père avec nos tickets de rationnement. Un soir, je réussis à le trouver dans la rue et je décidais de parler un peu avec lui, moi qui n'avait jamais fait attention à lui jusque là. Il me parla de lui, de son envie de devenir journaliste et de monter son propre journal. Pendant une année, je le croisais et nous discutions ensemble, parlant de nos envies, de notre vie et de nos rêves. Je lui dis tout sur moi, ne lui cachant rien de tout ce que je vivais et surtout des sentiments que je commençais à ressentir pour lui. Je savais que je n'avais pas le droit de l'aimer mais c'était ainsi, je tombais petit à petit amoureuse de ce vendeur de journaux. J'allais avoir dix-sept ans quand on échangea notre premier baiser. Et quelques semaines plus tard, je m'offrais à lui sur un plateau en argent, au grand désespoir de Sirtacys...

Oh mais je ne vous ais toujours pas parlé de Sirtacys, ou Sir comme il aime se faire appeler. Il s'agit de mon daemon, de l'autre partie de mon âme sans qui je ne serais rien. J'ai entendu sa voix pour la première fois quand j'avais cinq ans. Je crus d'abord devenir folle jusqu'à ce que mon père m'explique qui s'agissait certainement de mon daemon qui prenait contact avec moi. Dès lors, Sirtacys devint mon meilleur ami, l'ami imaginaire dont j'avais besoin pour vivre. J'avais douze ans quand il apparut pour la première fois sous sa forme définitive, celle d'un petit tigre blanc que l'on avait très envie de câliner. Mais nul autre que moi n'avait le droit de poser la maison sur Sir. Il devint mon protecteur et ma bouée de sauvetage en grandissant. Il devint rapidement un gros tigre blanc qui faisait fuir quiconque s'approchait de moi en étant légèrement menaçant. Il fut le premier à me mettre en garde sur le vendeur de journaux, me disant que cela allait barder pour moi si mon père venait à l'apprendre. Mais je restais sourde à sa grande sagesse, trop prise par l'amour que je ressentais pour le jeune homme. Il ut le premier à savoir que j'avais eu une relation sexuelle hors mariage avec le vendeur de journaux, chose qui était pourtant interdite par mon père qui voulait que je reste pure pour le mariage. Autant vous dire que le savon que Sir me passa ce jour là fut mémorable mais ne fut rien comparé à la correction que je reçus de la part de mon père quand ce dernier l'apprit.

Car non seulement j'avais couché avec un homme hors mariage plusieurs fois mais en plus, cela ne fut pas sans conséquence sur ma vie familiale. Au bout de trois semaines, je me redis compte que je n'avais toujours pas eu mes règles et qu'en plus, je commençais à avoir des nausées. C'est ainsi que mon père me retrouva quelques jours après mes dix-sept ans, la tête dans les cabinets en train de vomir. Il pensa d'abord que j'étais malade jusqu'à ce que je lui avoue que j'étais amoureuse. Il comprit tout de suite que j'avais couché avec un homme et que j'étais tombée enceinte de ce dernier. Il entra dans une colère noire qui ne fit que croitre quand il comprit que le dit homme n'était qu'un simple vendeur de journaux de Londres. Il leva pour la première fois la main sur moi et exigea que j'abandonne l'enfant une fois qu'il serait né et que je cache ma grossesse. J'avais également interdiction de revoir le futur père. Mais je refusais tout en bloc, j'aimais le jeune homme, je voulais l'épouser et vivre avec lui. Mais mon père n'était pas homme à qui l'on disait non. Il décréta alors que si je désirais cet enfant, je n'avais qu'à quitter la maison pour ne jamais y revenir. Je compris alors que j'étais chassée de chez moi et avec mon père, il n'y aurait pas de retour en arrière possible. J'eus beau le supplier, il ne revint jamais sur sa décision. Il me jeta hors de la maison sans affaire et sans argent. Je parcourus les rues de Greenwich pour retrouver le père de mon enfant mais je ne revis jamais. Je n'appris jamais ce qu'il était devenu et je partis, quittant Greenwich en ne sachant pas de quoi demain serait fait.

Aujourd'hui, bien des choses ont changé. Depuis la naissance de ma fille et le refus de mon père de me garder auprès de lui, j'ai dû quitter la maison familial de Greenwich. J'avais un temps été vivre chez ma tante, la soeur de mon père, mais ce dernier avait rapidement su que cette dernière m'hébergeait et j'avais dû à nouveau quitter la maison de ma tante pour aller trouver refuge ailleurs. Pendant quelques semaines, Sirtacys alla voler pour moi de quoi nous nourrir tous les trois mais rapidement, je me rendis compte que j'allais devoir travailler pour gagner suffisamment d'argent et nous permettre de manger. Je refusais plus que tout l'idée d'aller me plaindre dans un centre d'accueil comme les autres pauvres de la ville. Hélas je n'avais qu'une éducation donnée par mon père et avec ce que j'avais fait, je savais que je ne pourrais trouver d'emploi dans les riches quartiers de la ville. Un jour, je me fis aborder par un homme que je n'avais jamais vu dans le pauvre quartier de Kingston, dans l'est de Londres. Il me fit une proposition que je refusais en bloc: devenir une de ses filles, une vulgaire fille de joie pour hommes de passage qui avait besoin d'un petit peu de compagnie. Je refusais de faire un tel métier, je n'étais pas une simple prostituée, j'étais une fille de riche, une bourgeoise. Il me demanda cependant de réfléchir à sa proposition avant de me laisser en compagnie de Sirtacys et de ma petite princesse. Quelques jours passèrent pendant lesquels je pesais le pour et le contre avec l'aide de mon vieil ami jusqu'à ce que je prenne une décision: j'allais accepter la proposition de l'homme. Ma princesse le méritait bien et puis, ce ne serais que provisoire... Cela fait désormais treize ans que cela dure et je continue à croire que cette situation n'est que temporaire. Je suis toujours célibataire avec ma petite puce et Sirtacys, encore plus protecteur que jamais. Et finalement, j'ai découvert un avantage à mon métier: les hommes avec lesquels je couche ne s'en doute pas mais je profite de leur sommeil pour prendre l'argent qu'ils possèdent en plus de celui qu'ils me donnent pour mes services. Cela me permet de faire quelques petits extras et surtout de faire des cadeaux pour ma fille.