Quand la Poussière s'en mèle

“Le bonheur n’est réel que lorsqu'il est partagé.”

J'entre dans un cabinet, il est plutôt petit. Je me sens bizarre, je n'ai jamais aimé les endroits petits. Un homme arrive et m'invite à le suivre. Décidément, qu'est-ce que je ne ferais pas pour faire plaisir aux Dogson... « Je suis ici pour vous aider à mieux parler » Sans rire pensais-je, ce n'est pas comme si j'étais venu pour autre chose. « Pouvez-vous me dire quand cela à commencé ? Ou si vous êtes comme ça depuis toujours. » Dit-il comme si j'étais un monstre. « Je n'ai pas...pas trop de difficulté à parler simplement, mais c'est pour m'exprimer ouvertement ou encore quand je m'énerve, je commence à bafouiller et c'est gênant pour diriger une entreprise. » Améthyste conclut « C'est comme ça depuis l'accident en calèche. » « Nous avancerons plus vite si vous me racontez votre vie, je pense. » Je hoche la tête et je lance un regard à Améthyste.

“L'important n'est pas la chute, mais l'atterrissage.”

Je suis apparue très tôt dans la vie de Wesley, dans sa tête d'abord. Wesley disait souvent, j'ai une perle qui me suit. Et à chaque fois, sa mère souriait, un jour, elle s'est assise sur son lit quand il était petit. Un beau flamant rose la suivait. Alice, c'est comme ça que sa mère s'appelait, je crois pris un livre et commença le récit. L'histoire parlait d'une petite fille qui en suivant un lapin avait vécu une aventure magnifique. Ce n'était pas la première fois que sa mère lui racontait cette histoire, mais cette fois, il y avait quelque chose de spéciale. Juste après l'histoire, Wesley m'appela "Perl". Je n'étais pas vraiment consciente de mon existence, mais néanmoins, j'étais là. Wesley, s'appelait Wailand à l'époque et seulement Wailand, sa famille n'était pas riche et même inconnu, aussi inconnu que n'importe quel londonien normal, mais ils avaient des amis de longues dates, les Dogson. Ils avaient perdu contact avec eux il y a longtemps. Quoiqu'il en soit, Wesley m'appela Perl et à compter de ce jour, je fus présente à chaque moment de sa vie. Invisible et immatérielle, mais bien présente. Wesley m'imaginait blanche comme la neige et rapide comme le vent car sa voix lui faisait penser au lapin blanc et ma manière de parler à Alice. Toujours immatérielle, je voyageais à ses côtés. Un jour, il devait avoir six ou sept ans, il eut un accident de voiture avec ses parents. La calèche avait dû avoir un dysfonctionnement ou quelque chose comme ça. Les yeux de ses parents ne se rouvrirent pas. Ceux de Wesley en revanche mirent du temps à battre des paupières à nouveau. Pour la première fois de sa vie, Wesley avait pu me toucher dans ses rêves, j'avais pu sentir la peur qui à chaque instant le rongeait. Il faisait noir et il avait froid. Le monde s'était arrêté pour lui. Wesley ouvrit les paupières loin de chez lui. Tout s’accéléra à partir de ce moment-là. J'avais cessé d'exister pour lui. Il ne me voyait plus, ne me parlait plus. Il semblait chercher quelque chose d'autre. Tout s’accéléra à partir de ce moment-là.


Je suis morte, je vogue dans un monde totalement imaginaire, je n'ai aucune forme, soudain, on semble m'appeler. Quand je me réveille, ce n'est pas Wailand que j'entends comme d'habitude, mais Wesley, il a changé, il pleure, il est perdu. Un oisillon, moi sur son lit. Je déforme les plis de la couverture. J'enfuis mon bec et mes plumes dans son cou et là, enfin, il m'attrape et me caresse. C'est comme une explosion de bonheur. Il a tellement changé. Les Dogson l'ont adoptés comme leur propre fils. Les Dogson comme dit plus haut était une famille amie et alliée même de sa famille à lui. Mais ils ont perdu contact avant sa naissance et n'avait donc aucune connaissance de son existence avant la mort de ses parents. Curieusement, Wailand n'apparaît presque pas sur les dossiers de sa famille. Seul son prénom apparaît quelque part sur une lettre de sa mère et l'absence de souvenirs de celui-ci rend difficile de reconstituer son histoire. Je me sens disparaître à nouveau. Mais il y a une différence, c'est que cette fois-ci, je suis là, Wesley me voit et il me cherche même. Les rares fois où il peut me toucher sont des purs moments de bonheur. On a réussi à retrouver un certain équilibre tous les deux. Mais l'équilibre, c'est le chaos. Alors qu'il joue tranquillement dans le parc près de Buckingham Palace avec les enfants des Dogson, une explosion retentit. Il se sent tomber vers le sol. Sa tête tape un violemment le sol. Une douleur profonde s'éveille alors en moi. Elle m'attire de plus en plus à lui, l'inquiétude de la situation me fait me raccrocher à lui. Mes puissantes serres agrippent son tee-shirt. Je ne ressens plus les pensées ni même les émotions de Wes pendant une fraction de seconde et puis j'entends un gémissement sourd, le sang le défigure, mais il est toujours là. Wesley est de nouveau secoué par un choc et se réveil avec un affreux mal de crâne un peu plus tard. En me voyant, il m'attrape et pleure. Je sais que désormais, je me trouverais toujours à ses côtés.

“J’ai connu un homme qui a dit un jour : "La mort nous sourit à tous. Tout ce qu’on peut faire, c’est sourire à la mort."”

On est en guerre, Wesley n'a rien eu si ce n'est une bosse énorme. Le monde est en guerre, mais les Dogson veillent à tenir aussi éloigné que possible leurs enfants de cet événement de grande ampleur. Nous sommes envoyés à la campagne. Craignant un nouveau bombardement sur Londres. Mr et Mme Dogson sont restés à Londres, la ville a plus que jamais besoin des usines. Pendant le trajet, Wesley me souffle en pensée « Je ne me souviens pas t'avoir donné un nom... et si c'est déjà fait, je n'en ai pas souvenir, mais je m'en fiche. Notre passé est loin maintenant Améthyste. » Je bats des ailes en guise de réponse. La campagne est en vue, c'est bien la campagne. Je me sens libre et je vole. Mais s'il n'y avait que cela. Je semble avoir pris la forme d'un aigle, mais ce n'est pas cela. Je grandis considérablement tous les jours. Wesley lui-même cherche ce que je suis sans trop le savoir. Mais il n'a pas que ça à faire, entre les leçons de bonnes conduites et puis les cours à domicile et le travail à la campagne, il n'a pas le temps pour moi. Je dois avouer que cela m'avait légèrement vexé au début. Après tout, je suis son daemon non ? Heureusement, il me rassurait quand il était penché avec le fer à souder et une visière de protection en train de travailler sur une nouvelle invention. « Bien sûr que je t'aime, mais je dois aussi m'occuper de moi-même, tu comprends ? » Alors je répondais par un simple "oui" à chaque fois. À la fin de la guerre, Wesley devait avoir entre les dix-sept ou dix-huit ans. De retour à Londres, bien des choses avaient changé. Déjà, le manoir des Dogson. Il semblait avoir vieillit de trente ans au moins en l'espace de quelques années. Et encore pire, la société avait faillit couler. La demande avait dépassé l'offre durant la guerre. Plus de machines de guerre, plus de produits. Il en fallait toujours plus. Mais Wesley s'en fichait pas mal, il était de retour à Londres et il savait ce qu'il allait faire. Redorer le blason de la famille déjà et ensuite, remettre sur pied la D Industry. Ce qui risquait d'être dur compte tenu de la situation, quelques années plus tard, alors que ses parents étaient en vacances en France, le pays ferme ses frontières. Impossible de rentrer ou même de sortir ou alors c'est compliqué. Que faire quand on a une vingtaine d'années, qu'on a un maître borné et qu'on est seul avec l'entreprise familiale ? Wesley a repris les affaires malgré son jeune âge, « [...] après tout, tu as été élevé pour ça [...] » a dit Mr Dogson dans une lettre.

“Je pense que l'on pourrait être extraordinaire ensemble, plus tôt qu'ordinaire séparément.”

« M...Mais qu...qu'est-ce..ce...ce que tu racontes encore Améthyste ? » Articulais-je difficilement avec un ton moqueur. « Je t'ai de...de...demandé de raconter notre histoire, pas de raconter quelque chose d'énervant à entendre. » Celle-ci me donne une tape avec son aile sur la figure. Je manque de tomber de ma chaise. Elle rigole. Alors je rigole aussi. Elle a dit la vérité. Enfin, je pense. Mes souvenirs m'échappent, c'est comme un grand puzzle que l'on aurait du mal à assembler parce qu'il manque des pièces à certains endroits. Mais je lui fais confiance.