All the troubles in the dark ► Rosalind

« On est vraiment obligés de faire ça ? » Gaëtan se retint de justesse de lever les yeux au ciel, avant de tourner son regard vers Aëlys, qui trottinait à ses côtés, tout en continuant sa propre marche. « On en a déjà parlé, c'est le moyen le plus sûr de ne pas se faire … Interrompre. » Belle façon de dire brutaliser, enfermer et pour son rendez-vous sans doute bien pire que ça. Quelques mois plus tôt, Rosalind deWitt avait prit contact avec lui, clamant qu'elle avait des informations concernant les Excors qui pourraient l'intéresser. Et effectivement, elle avait raison. Pourquoi avait-elle prit contact avec lui et non pas avec un autre journaliste ? La réponse était plutôt simple. Il était le genre de littéraire qu'une grande majorité de londoniens lisaient tous les matins. De même, il était le genre de littéraire plutôt réfractaire au système actuel, et persuadé que tout n'était pas dit. Il n'avait donc pas eu de mal à se faire convaincre par Rosalind. Il ne savait pas vraiment pour quelle raison elle lui faisait confiance sur ce coup-là, l'important était qu'elle avait apparemment besoin que la presse soit mise au courant. A la vue de sa situation actuelle, c'était plutôt quelque chose d'intelligent de sa part, s'il pouvait donner un avis sur la situation. « Ce serait quand même dommage de se faire trancher la gorge par un sans-abri parce que vous avez choisi le mauvais point de rendez-vous, tu ne crois pas? » Gaëtan avait bien sûr trouvé cela plus qu'utile de choisir un endroit où personne n'aurait l'idée de les chercher. D'un point de vue extérieur, l'idée n'était pas mauvaise, mais le lieu en question ressemblait plus à un coupe-gorge, et les rues étroites ne donnaient pas vraiment envie de s'y enfoncer, loin de là. Pourtant, il se posta sur un banc, et se mit à attendre, Aëlys, aux aguets, lovée à ses pieds.

« Je ne veux pas faire ma rabat-joie ou rien du tout hein, mais tu es certain qu'elle a compris ton message? Ou même qu'elle l'a reçu? » La question était effectivement épineuse. Gaëtan se mit à réfléchir. Il était fort possible que son message ne soit pas arrivé à bon destinataire, tous les courriers étaient lu, il soupçonnait même les siens d'être lu deux fois, histoire d'assurer les arrières et ne pas laisser passer de tentative de trahison du gouvernement. L'interrogation de son daemon était donc tout à fait légitime. Le jeune homme soupira. « Je l'espère ... Pas assez subtil? » Aëlys lui lança un regard qui voulait globalement signifier la même chose qu'un haussement d'épaule, avant de se lécher la patte avant, signe de son début d'ennui. Pour leurs correspondances, Gaëtan essayait de passer ses messages d'une manière plus ou moins codée qu'ils avaient construit lors de leur dernière rencontre. Mais entre faire passer le besoin de voir une personne de façon détournée, et communiquer une adresse et une heure, il y avait tout un monde. S'il avait été démasqué, de toute manière, il verrait arriver la cavalerie, il pouvait en être persuadé. Mais si Rosalind n'avait pas compris ... Lire entre les lignes pouvait s'avérer ardu lorsque l'on ne savait pas quoi y trouver. Sans compter qu'il avait dû passer par différents messages jusqu'à arriver jusqu'à elle, question de sécurité également. Et si elle ne l'avait même pas encore reçue? « Okay, là tu vas un peu trop loin dans les hypothèses, Tany. » Le Lyyant acquiesça. Son esprit divaguant, il se demanda ce que la scientifique pourrait bien lui dire. Il essayait depuis des années de percer à jour les secrets qu'on tentait de cacher à la population. Des secrets très intimement liés aux Excors et à la Poussière. Rien qu'à penser aux premiers, la mâchoire de Gaëtan se serra, et il retint un frisson. Perdre son daemon... S'il n'avait pas déjà vu des humains de la sorte, il n'aurait même pas cru cela possible. Rien que l'idée de pouvoir perdre un jour Aëlys le rendait malade. Perdre la moitié de son être n'était-ce pas l'expérience la plus affreuse qu'un être humain pouvait avoir à subir? Sortant de ses pensées par la patte d'Aëlys posée sur sa chaussure, comme un signe de réconfort, il entendit soudain quelqu'un approcher, aussi, il releva la tête.

All the troubles in the dark

« Rosa, on ne peut pas aller là-bas... » Elle resta silencieuse, préférant ne pas répondre alors qu'elle enfilait son épais manteau et ses gants. Elle avait songé, tout comme Sybaris, que l'idée était complètement stupide, que cela allait les condamner, qu'avec ses vêtements et sa dégaine de semi-bourgeoise, elle se ferait prendre. Mais au final, qu'est-ce qui pouvait être pire que le sort qui l'attendait de toutes façons ? Il fallait croire qu'elle devenait un peu fataliste. Elle glissa l'attache dans ses cheveux avant de grimacer en observant son reflet quelques secondes. Tout cela faisait définitivement trop. Elle jeta un regard à la petite pochette qui contenait les dossiers qu'elle devait amener au journaliste, peut-être que ça aussi c'était trop. Que finalement… Elle avait tort d'impliquer quelqu'un d'autre. « Tu sais, vu ce qu'il écrit, c'est une question de temps avant qu'il soit dans la même situation que nous... » Sybaris se reçu la barrette entre les deux yeux ainsi qu'un regard noir. Elle ne souhaitait cela à personne, voyons ! Même peut-être bien qu'elle le condamnait. Peut-être que c'était le prix à payer ? Elle s'assit sur le bord du lit, remonta légèrement sa manche et ôtant son gant pour observer le N ancré dans sa peau, elle passa ses doigts sur ses contours avant de sourire faiblement. « Qu'est-ce que tu aurais fait toi ? » Elle marqua une pause alors que Syba venait se glisser le long de ses jambes, tristement, Rosalind dû conclure, finalement : « Tu aurais été un héros, comme toujours. »

Il faisait un froid terrible dehors, et Rosalind s'efforçait de marcher le plus vite possible, slalomant entre les gens qui restaient assis par terre, une bouteille à la main, nombre d'entre eux la regardait assez bizarrement et la simple pensée de finir comme ça lui faisait mal. Finalement, Gaëtan n'était pas si stupide, Kingston était un endroit où les sentinelles en personne ne souhaitaient vraiment pas mettre les pieds. Il y en avait bien quelques uns, mais c'était rare de les voir en ville et ils changeaient souvent… D'après ce que Rosa avait compris, on mettait à Kingston ceux qui avait commit une bêtise. Sybaris se serra contre les jambes de la grande blonde, s'efforçant de ne pas fixer les dæmons qui semblaient aussi mal en point que les humains. « Tu aurais dû dire à Ernest où tu allais… Au cas où... » Rosalind ne pu s'empêcher d'échapper un léger rire en l'entendant. Il devait certainement savoir que la remarque était totalement stupide, qu'Ernest ne pouvait pas être systématiquement leur chevalier en armure. Elle fronça les sourcils en s'arrêtant à un carrefour, sa respiration échappant de légère volute de vapeur blanche, le point de rendez-vous ne devait plus être très loin. Elle observa les deux passages, aussi mal famés l'un que l'autre, autant dire qu'en venait ici, elle avait tout de même une boule au ventre, elle guetta la silhouette familière de son rendez-vous, alors que Sybaris soupirait finalement en s'accrochant à sa jambe. « Tu ne peux pas avoir une vie normale ? Te marier, avoir des enfants et arrêter de faire l'aventurière ? » La remarque fit sourire Rosalind qui ne prit pas la peine de répondre, à vrai dire, elle venait de le voir, à quelques mètres, sur un banc. Sybaris releva d'ailleurs la tête en murmurant doucement : « Regarde Rosalind ! » La blonde le gratifia d'un regard alors qu'elle hochait la tête lentement. « Gaëtan. » Sybaris secoua négativement la tête, un peu surpris de sa réponse, il tira doucement sa jambe en se remettant à trottiner devant elle. « Non, regarde, il neige... » Elle releva les yeux en le suivant, observant les premiers flocons tomber doucement, alors ici aussi il pouvait neiger ? Malgré toute la crasse humaine, toute la haine et la douleur, les flocons blancs pouvaient lécher le sol ici aussi… L'idée la fit sourire, elle glissa ses mains dans ses poches approchant doucement du banc, les flocons dansant dans le ciel avant de s'accrocher à ses cheveux blonds qui retombaient en cascade dans son dos. Elle pencha la tête avant de le gratifier d'un sourire doux alors que Sybaris détaillait la renarde en restant prudemment contre Rosa. « Bonsoir, désolée de mon retard, ce quartier est un vrai labyrinthe. » C'était assez étrange pour elle de rompre une communication épistolaire de la sorte, de pousser à la rencontre, mais elle devait s'assurer que ses alliés n'aiguisaient pas leurs armes dans son dos. Elle lui tendit la main doucement, retirant son gant par la même occasion. « Enchantée d'enfin pouvoir faire votre connaissance. » Elle jeta un regard à la renarde qui semblait tant intriguer Sybaris qui murmura, de façon à peine audible. « N'essayez pas de nous tuer, ce serait sympa... »

ft. gaëtan lyyant | west block